Allocution de M. Éric Marquis, sous-ministre adjoint, affaires bilatérales du Ministère des Relations internationales et de la Francophonie, 1er août 2020
M. Thierry Morel, représentant du Consulat général de France à Québec
M. Denis Racine, co-président de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs;
M. Alex Tremblay-Lamarche, président de la Société historique de Québec
M. André-P. Robert, président du Réseau Québec-France
M. Yves Saliba, président de la Société française de Québec
M. Guillaume Pinson, doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Université Laval
Distingués invités, Chers amis,
Au nom du gouvernement du Québec, je suis honoré d’être parmi vous aujourd’hui pour souligner le 80e anniversaire de l’appel du général De Gaulle aux Canadiens français. Un appel qui - dans un contexte incertain et périlleux – inscrivait sous un angle historique, culturel et stratégique la relation entre le Canada français et la France. Un appel marquant le début de ce qui allait devenir une relation affective unique entre le peuple québécois et l’un des plus grands chefs d’État de la riche histoire de la France.
Je remercie M. Denis Racine, co-président de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, et toute son équipe, pour l’organisation de cette activité commémorative. Par son engagement, la Commission renforce les liens d’amitié privilégiés entre la France et le Québec.
Cette amitié s’appuie sur la langue et la culture, mais aussi l’histoire et la mémoire. L’histoire permet de comprendre et interpréter notre passé, mais aussi d’étoffer notre compréhension du présent et d’éclairer notre prospective de l’avenir. L’action et l’œuvre littéraire du général De Gaulle étaient profondément imprégnées de cette conscience historique, qui explique pourquoi sa lecture des hommes, des idées et des événements demeure si pertinente aujourd’hui.
À cet égard, l’appel du 1er août 1940 du général De Gaulle constitue un exemple éclairant. De son exil à Londres, le Général De Gaulle multipliait depuis juin 1940 les actions afin d’appeler les Français à résister, à se rallier derrière la Croix de Lorraine.
Pour des raisons évidentes, l’histoire a retenu l’appel du 18 juin. Mais nous sommes ici pour rappeler un autre message, chargé de sens pour deux raisons. L’appel du 1er août 1940 se distingue car il n’était pas destiné à l’Europe et à ses colonies, mais au Canada français. Mais par un de ces hasards qui illustre le contexte dans lequel cet appel fut lancé, le 2 août – soit le lendemain - fut le jour où le général De Gaulle fut condamné à mort par contumace.
Le message livré par le général De Gaulle il y a 80 ans était à la hauteur de l’homme et des circonstances. Remarquons d’entrée de jeu le ton direct et la clarté d’expression qui tranchaient avec les conventions oratoires de l’époque. Soulignons la franche lucidité de sa lecture de la situation, mais aussi sa reconnaissance envers le sacrifice des soldats canadiens-français lors de la Grande guerre.
S’il mesure l’ampleur de la tâche - «la France est à reconquérir, après quoi elle sera à refaire» - l’appel exprime la conviction que cette reconquête de la France se fera avec le concours de « ceux qui aiment ce qu’elle est, ce qu’elle vaut, tout ce que siècles après siècles, elle a su faire pour les autres. »
L’appel contient un message prémonitoire : « Votre secours, l’âme de la France le cherche et l’appelle, parce que le destin a fait du Canada la terre d’union de l’Ancien et du Nouveau Monde. » Ce rôle de carrefour intercontinental constitue désormais l’une des assises fondamentales de l’action internationale du Québec, un rôle compris par De Gaulle à une époque où la personnalité internationale du Québec ne s’affirmait encore que bien timidement.
Enfin, De Gaulle établit une continuité historique et culturelle entre la France et le Québec et y voit une promesse pour la France libre : la France, et je cite, « trouve dans votre exemple de quoi ranimer son espérance en l’avenir, puisque, par vous, un rameau de la vieille souche française est devenu un arbre magnifique. »
Avec un message aussi fort et évocateur, on reconnaît le style De Gaulle, mais aussi, dès cette époque, une compréhension que de l’autre côté de l’Atlantique, on retrouvait un peuple et un territoire, fidèle à ses racines françaises, mais avec une identité propre et des horizons vastes et prometteurs.
Si l’écho immédiat de l’appel fut d’abord restreint, son souffle et son esprit sont graduellement devenus une trame de fond pour les liens uniques et privilégiés qui façonnent la relation France-Québec depuis bientôt 80 ans.
Rappelons l’apport exceptionnel des unités canadiennes-françaises à la libération de la France, dont le Régiment de la Chaudière. Ce dernier, fidèle à sa devise « Plus durable que l’airain, » servit avec distinction lors du débarquement de Normandie.
Au sortir de la guerre, alors que la France se reconstruisait, le Québec vécut une transformation politique et sociale qui fit émerger une nouvelle conscience nationale et l’amena à se doter de l’État et de l’économie modernes que l’on connait aujourd’hui. Plusieurs bâtisseurs de ce Québec moderne ont été formés en France et ont contribué à l’établissement d’une coopération permanente entre la France et le Québec. À commencer par l’établissement, en 1961, de la Délégation générale du Québec à Paris.
De grandes institutions, comme la Caisse de Dépôt et de Placement, mais aussi les bases de nos relations internationales, sont des legs majeurs des relations France-Québec. Une coopération qui, depuis 60 ans, s’approfondit, se diversifie et interpelle nos forces vives.
L’appui de la France fut aussi essentiel pour l’affirmation du Québec dans la sphère multilatérale. Songeons à notre engagement en Francophonie, mais aussi sur des enjeux globaux comme la diversité culturelle et la lutte aux changements climatiques.
Aujourd’hui, le Québec est l’État fédéré avec le plus fort ancrage international. Tout cela a débuté avec la France et se poursuit avec elle : nous sommes tous conscients du rôle capital joué par le général De Gaulle dans les premiers chapitres de cette histoire, il en fût l’indispensable catalyseur. Mais retenons aussi que ses successeurs ont pleinement reconnu et assumé le caractère unique de cette relation.
Aujourd’hui, le Québec a des représentations dans 18 pays et est actif dans plusieurs autres, mais c’est avec la France que les liens institutionnels, civils et politiques sont les plus forts, notamment via la coopération et la Rencontre alternée des premiers ministres.
En ce sens, l’appel du 1er août 1940 s’inscrit comme un jalon essentiel de ce qui est devenu la relation unique et privilégiée entre la France et le Québec et entre nos peuples. Deux peuples unis par la langue, la culture, l’histoire, mais aussi par la conviction que leur proche collaboration favorise leur épanouissement respectif.
Je souhaite donc longue vie à la relation franco-québécoise, dans laquelle les appels trouvent toujours un écho favorable.
Je vous remercie.